La perception de l'autre et son traitement dans un espace mondialisé est une des pierres angulaires de notre société. Les images ont autant de poids que les plus grands discours. Bien souvent, elles participent même à la légitimation de certains comportements. Pour les différentes générations du XXIème siècle, l'Afrique a toujours été représentée comme un sous continent. Des peuples déshumanisés, réduits à des enfants pauvres couverts de mouches ou au mieux portés en trophets, glorifiant les exemples de ceux qui rencontrent le succès une fois arrivés (et acceptés) en Occident. Mais ce mécanisme de la pitié, du récit unique voire souvent de la diabolisation, produit inlassablement une distorsion de la réalité. Il y a quelque chose de frustrant à ne jamais être la norme dans un monde où ce terme semble désormais vide de sens. De plus, cette frustration ne peut qu'être renforcée lorsque l'on est dépossédé de son propre récit.
Mais là est la force de Thandiwe Muriu. Un parcours atypique, brisant les normes de son pays et les attendus de la 'grande carrière artistique', tout en racontant la beauté de sa réalité. "You thought you could throw me away" présente ainsi en différents chapitres les éléments qui rendent iconique le travail de l'artiste. Ses travaux poussent le spectateur à examiner sous un angle nouveau les concepts d'identité et de la libre expression, en explorant ce que signifie être une femme forte et moderne. Car en partant de sa propre expérience, l'artiste Kenyane s'adresse finalement aux femmes du monde entier. En effet, s'il y a bien un sujet commun de toute les exigences, attentes, critiques et discours volés, il s'agit bien de la Femme. En seulement 3 ans, la jeune photographe se fait reconnaitre une identité vibrante incontournable et entre ainsi dans la lignée de celles et ceux qui contribuent à la reconquête du récit Africain et de son image.