Le voyage accompagne l'humanité depuis les civilisations les plus anciennes. Explorations, découvertes, conquêtes, évasions, expansions, ont été le déclencheur et le fruit des multiples déplacements, tant individuels que collectifs, tout au long de l'histoire. C'est pourquoi le voyage est souvent lié à l'expérience migratoire. Dans cette perspective, le voyage acquiert une forte dimension personnelle et existentielle, liée à des sentiments de quête, de rencontre, de perte, de déracinement et de mutation. La migration et le voyage sont au coeur de l'oeuvre de l'artiste cubain Esterio Segura, diplômé du prestigieux Instituto Superior de Arte de La Havane en 1994 et l'un des artistes cubains les plus dynamiques au cours des trois dernières décennies. Depuis 2003, l'artiste s'intéresse au symbolisme lié à l'acte de voyager et dépeint avec une certaine ironie et nostalgie les moyens et les circonstances des mouvements migratoires. Depuis lors, son oeuvre est peuplée d'un univers de formes hybrides marquées par l'une des allégories millénaires liées aux déplacements géographiques : les ailes. À travers des sculptures, des peintures, des installations, des dessins et, plus récemment, des photographies, Esterio évoque la situation économique et sociale complexe de Cuba, liée aux frontières physiques et psychologiques dictées par l'isolement géographique et historique de l'île. "L'espace insulaire conditionne une manière très spécifique de penser le voyage. Le fait d'être entouré d'eau de tous les côtés ne rend pas seulement difficile le déplacement d'un endroit à l'autre, mais provoque également un sentiment de solitude ou de déconnexion, ainsi qu'une division marquée entre l'intérieur et l'extérieur. L'exposition El peso de las alas (Le poids des ailes) rassemble des pièces issues de certaines des séries les plus emblématiques de l'artiste, liées au thème du voyage. Ainsi, ses Émigrants, qui ont pour antécédent son oeuvre Hybrid of Chrysler, présentée à la 57e Biennale de Venise, forment un groupe très particulier, marqué par la contradiction d'avoir des ailes sans pouvoir voler. Symboles du voyage, dans sa dimension temporelle et géographique, ces voitures viennent d'une île qui vit de son histoire et de l'utopie, et représentent la résilience et l'espoir avec lesquels la société cubaine affronte les difficultés de la vie quotidienne. Goodbye my love est certainement l'oeuvre la plus célèbre de l'artiste, car elle traverse le monde avec ses ailes rouges pour nous rappeler avec nostalgie combien il est difficile de dire au revoir à ceux que nous aimons. Le point central de l'exposition est sa série de photographies Lost luggage, qui est présentée au public pour la première fois. L'artiste y évoque l'expérience complexe que vit le sujet migrant, en crise pour des raisons politiques, sociales, culturelles ou économiques, contraint de s'aventurer dans un voyage à la fois physique, temporel et existentiel, au cours duquel il doit souvent abandonner complètement son passé, tout ce qui, un jour, a fait partie de sa vie. Le poids des ailes n'est en fait que le poids de la mémoire. Au cours des 30 dernières années, Esterio Segura a régulièrement exposé ses oeuvres dans d'importantes institutions du monde entier, telles que le Museum of Modern Art (MOMA), le Musée national des beaux-arts de Cuba, le Bronx Museum, le Queens Museul et Times Square. En outre, les oeuvres d'Esterio font partie de collections d'art public renommées, telles que la collection du MOMA, la collection Cisneros Fontanals, la collection du Perez Art Museum, la collection du Bronx Museum, la collection d'art latino-américain de l'université d'Essex et, plus récemment, la collection de la National Gallery à Washington. Il a également participé à d'importantes biennales d'art dans le monde entier, telles que la Biennale de La Havane, la Biennale de Sao Paulo et la Biennale de Venise.
El peso de las alas: Esterio Segura
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